Politique en matière d’alcool dans les cantons
Fév.. 2010Loi fédérale sur la prévention
5 questions à Reno Sami, responsable de la politique, de la communication et des campagnes auprès du Fachverband Sucht. Il dirige en outre le service compétent pour la gestion de la communication et des interfaces en matière de politique d’alcool en Suisse alémanique qui garantit la coordination des processus d’échange entre le monde professionnel et la pratique, la Confédération, les cantons et les villes et offre notamment un soutien lors de la mise en œuvre d’une politique cohérente en matière d’alcool.
Pouvez-vous décrire brièvement la politique actuelle en matière d‘alcool dans les cantons? Qu’est-ce qui est fait et où?
La carte de Suisse interactive sur le site de l’Office fédéral de la santé publique fournit un aperçu des différentes législations par canton dans le domaine de la politique en matière d’alcool. La situation actuelle est la suivante: des restrictions publicitaires sont en vigueur dans les cantons d’AR, BE, BL, BS, FR, GE, GR, NE, SG, TG, UR, VD, ZG et ZH. Tous les cantons, à l’exception de GL, SZ, TG et ZG, disposent de dispositions légales régissant le prix et l’offre des boissons non alcooliques par rapport aux boissons alcooliques (article «sirop»). L’interdiction de remettre de l’alcool a été introduite dans les cantons BE et ZH; elle est prévue dans les cantons de BS, BL, SG et SZ. Tous les cantons, à l’exception d’AI, FR, GE, GL, JU, NE et SZ, pratiquent des achats-tests. Les cantons de BS, GE et NE ont introduit des créneaux horaires et tous, sauf AR, FR, GL, NE, TG et VS, des restrictions concernant les lieux de vente ou de consommation. Les cantons de BE, FR et GE ont choisi de subordonner l’octroi des autorisations d’exploitation à un concept de protection de la jeunesse. Au Tessin, la vente d’alcool est interdite de manière générale aux personnes en dessous de 18 ans. On ne trouve donc pas de canton modèle qui mette en œuvre une politique en matière d’alcool qui soit orientée de manière cohérente et complète sur la prévention. Mais il existe divers «éléments modèles» dans les différents cantons.
Mot-clé Achats-tests: est-il légal d’impliquer des jeunes en tant qu’acheteurs pour vérifier si les points de vente respectent les lois sur la protection de la jeunesse?
Une expertise juridique du professeur en droit pénal Daniel Jositsch répond à cette question par l’affirmative. Le tribunal cantonal de Bâle-Campagne, en revanche, est parvenu à la conclusion contraire au début 2009, argumentant qu’il s’agit, avec ce type d’achats-tests, d’enquêtes dissimulées. Le Tribunal fédéral n’est pas entré en matière sur le recours présenté par le Ministère public de Bâle-Campagne pour des raisons formelles si bien que le doute juridique persiste. Le fait est que les achats-tests sont un moyen de prévention efficace. Nous espérons que la révision de la loi fédérale sur l’alcool permettra de créer une base légale claire afin qu’un terme soit enfin mis à cette pénible bataille de juristes.
Aujourd’hui, la limite d’âge pour acheter de la bière et du vin est de 16 ans, et de 18 ans pour les spiritueux. Cette interdiction n’est pas respectée au quotidien dans la mesure où des personnes plus âgées achètent de l’alcool pour des plus jeunes. Zurich, Argovie et Berne ont donc introduit l’interdiction de remettre de l’alcool. Quelles sont les expériences en la matière?
Norbert Esseiva de la police locale et du commerce de Berne, par exemple, se réjouit du nouvel article qui fournit à la police une possibilité concrète d’agir contre la remise d’alcool ou de tabac à des jeunes n’ayant pas atteint l’âge de 16 ou 18 ans. Un certain nombre de commerces et le personnel des stations service saluent cette base légale. Ils peuvent y recourir lorsqu’ils supposent que de l’alcool est acheté pour des mineurs ou s’ils connaissent déjà une personne qui le fait. L’effet dissuasif de cette loi sur les personnes adultes qui achètent de l’alcool pour le revendre ou l’offrir à des mineurs est considéré comme particulièrement important. En cas de dommage subi par un mineur, p. ex. un accident de vélomoteur ou une hospitalisation pour coma éthylique, il est possible de recourir contre la personne qui a remis l’alcool. Le seul fait de le savoir dissuadera de nombreux adultes d’agir ainsi. Les dénonciations circulent également déjà parmi les jeunes et ont un effet décourageant.
La collaboration intercantonale est un point important. Pouvez-vous nous citer un exemple?
Oui, celui de la collaboration de la police, des autorités de tutelle et du service de prévention des dépendances à Uster. La police annonce les jeunes interpelés circulant la nuit dans un état alcoolisé aux autorités de tutelle. Ces dernières faxent un ordre de clarification au service de prévention des dépendances qui prend contact avec les parents, avec le jeune en question et étudie la suite des événements. Ce service informe ensuite immédiatement les autorités de tutelle du résultat des réflexions et entame, le cas échéant, un suivi auprès des services habituels. Le service de prévention des dépendances ne conserve aucun document.
Quelle est la politique en matière d‘alcool au niveau fédéral et dans l’UE?
Au niveau fédéral, la loi sur les denrées alimentaires et celle sur l’alcool sont actuellement en révision. Les spécialistes des dépendances s’engagent dans la consultation et les débats parlementaires. Hélas, le Parlement a autorisé la publicité pour l’alcool à la télévision le 24 septembre 2009. Il est donc clair qu’à l’avenir la publicité pour la bière et le vin sera possible à la télévision. Au niveau européen, le gouvernement suédois qui préside actuellement l’UE veut lutter contre l’abus d‘alcool en Europe. Font notamment débat des augmentations de taxes sur les boissons alcooliques. La tendance ici aussi se dessine clairement pour un renforcement des mesures de prévention structurelles.